En France, le cancer du sein représente la première cause de mortalité par cancer. Chaque année plus de 57 000 femmes sont concernées par cette maladie et 12 000 en décèdent. Le Prof. Carole Mathelin, Pu-Ph de sénologie des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, cheffe de service chirurgie du sein à l’Institut de Cancérologie Strasbourg Europe, développe un projet de recherche visant à établir le lien entre environnement et cancer du sein.
Dans 25% de ces cas, l’origine du cancer du sein trouve une explication dans la présence de facteurs de risque connus (nulliparité, antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein, mutations génétiques, sédentarité, déséquilibre alimentaire…). Mais, pour les 75% de cas restants, aucun de ces facteurs de risque n’est présent. Par ailleurs, les caractéristiques anatomo-pathologiques et cliniques des cancers du sein se modifient au cours des années.
Établir le lien entre environnement et cancer du sein
Les équipes du Prof. Carole Mathelin, en lien avec les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et l’IGBMC ont permis de mettre en exergue de premiers constats :
- Les études épidémiologiques montrent une augmentation du cancer du sein avec une incidence qui a plus que doublé en 30 ans (de 25 000 à 57 000 nouveaux cas/an) ;
- Notons que les cancers du sein apparaissent chez des femmes de plus en plus jeunes (l’incidence dans le Bas-Rhin a doublé en 30 ans pour les femmes de moins de 40 ans) mais également au-delà de 75 ans ;
- Certaines tumeurs appartenant à la catégorie de tumeurs dites « triples négatives non hormono-dépendantes » s’avèrent particulièrement agressives. Elles présentent une croissance tumorale rapide et parfois des échappements au traitement.
Des études internationales
Le lien entre l’environnement – au sens large – et le développement des cancers du sein s’appuie sur différentes études internationales :
- Une observation allant dans le sens d’un impact fort de l’environnement sur le cancer du sein concerne les femmes japonaises nées au Japon et ayant émigré en Europe ou aux Etats-Unis.
Ces femmes présentent initialement un risque de développer un cancer du sein au cours de leur vie similaire à celui de la population féminine nipponne (le cancer du sein au Japon est de 39/100 000, un chiffre parmi les plus bas au monde). Or, les études montrent qu’après 10 ans de vie dans le pays d’adoption en Europe ou aux USA, ces femmes acquièrent le niveau de risque du pays d’accueil où l’incidence est 2,4 fois plus élevée qu’au Japon. - L’étude française Nutri-Net Santé incluant près de 70 000 participants, dont 78% de femmes suivies durant 7 ans, a montré un risque de cancer du sein diminué de 25 % chez les femmes les plus consommatrices de produits issus de l’agriculture biologique, une agriculture réduisant fortement l’utilisation de pesticides. Notons que les résultats de cette étude ont été publiée en 2018 dans le prestigieux Journal of the American Medical Association (JAMA). Il pose les bases d’une discussion sur les biais possibles liés au niveau socio-professionnel plus élevé des participantes consommant le plus d’aliments biologiques.
La piste des pesticides dans le cancer du sein
De nombreuses études épidémiologiques et réalisées sur des modèles cellulaires montrent également des corrélations entre les pesticides ayant un effet de perturbateur endocrinien et un risque accru de cancer du sein. En revanche, ces corrélations ne suffisent pas à apporter de véritables preuves scientifiques de lien de cause à effet chez l’homme. C’est pourquoi, de nombreuses actions, uniques au monde, visent à apporter la preuve de l’impact de l’environnement sur le cancer du sein, notamment :
- En déterminant et quantifiant une famille de perturbateurs endocriniens, les pesticides, présents dans des tumeurs du sein et dans le tissu présent autour de ces tumeurs ;
- D’établir des corrélations entre la santé du sein et l’environnement ;
- D’améliorer la prévention du cancer du sein en affinant le ciblage des opérations de prévention, voire en donnant des arguments à des actions environnementales et de santé.
L’innovation au service de la santé
Afin d’affiner les résultats de ces recherches exceptionnelles, le service du Professeur Mathelin s’appuie sur une base de données existante depuis les années 2000, une tumorothèque, regroupant plus de 10 000 échantillons de tumeurs du sein. Les premiers essais démontrent qu’il est possible d’effectuer des tests sur la base de ces échantillons décongelés.
À cela s’ajoute un « screening » par spectrométrie de masse, technique considérée comme l’une des plus puissantes pour la recherche de pesticides. Ces screening sont utilisés notamment dans les domaines de l’eau, de l’air et de l’agroalimentaire. L’équipe a également fait le choix d’associer dans cette étude le dosage d’une trentaine de métaux au sein des tumeurs mammaires.
Pour finir, un partenariat entre les Hôpitaux Universitaires et le service d’IA de la société Quantmetry permet d’analyser les caractéristiques cliniques, biologiques et d’imagerie. Elles se basent – de façon anonyme – sur la sémantique repérée dans les rapports, comptes rendus médicaux, lettres d’hospitalisation… (technologies de Natural Language Processing proposées lors du projet Senometry primé lors du Hacking Health Camp de 2015).
Pour suivre l’actualité du Professeur Mathelin et son équipe : https://www.linkedin.com/in/carolemathelin